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A la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel a déclaré l’article L. 2314-18 du Code du travail, qui fixe les conditions d’électorat au CSE, non conforme à la Constitution.

En l’espèce le Conseil visent plus particulièrement la construction jurisprudentielle élaborée à partir de cette disposition venant écarter certaines personnes au droit de vote.

Une construction jurisprudentielle mise en cause…

Selon l’article L. 2314-18 du Code du travail : « sont électeurs les salariés des deux sexes, âgés de seize ans révolus, travaillant depuis trois mois au moins dans l’entreprise et n’ayant fait l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relatives à leurs droits civiques ».

En se fondant sur ces dispositions, les juges de la Cour de cassation décident d’exclure deux catégories de salariés. Selon une interprétation constante – déjà applicable pour les élections du comité d’entreprise – sont exclus de l’électorat (outre le chef d’entreprise lui-même) :

  • ceux qui disposent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise  ;
  • ceux qui représentent effectivement le chef d’entreprise devant les institutions représentatives du personnel.

Encrée dans la jurisprudence depuis de nombreuse année, cette exclusion est pourtant contestée en septembre 2021 par un syndicat.

… par une question prioritaire de constitutionalité …

En l’espèce, lors de la mise en place de CSE d’établissement et d’un CSE central au sein d’une société aux multiples établissements, une organisation syndicale avait engagé plusieurs contentieux aux fins d’obtenir l’annulation des élections qui s’étaient tenues dans le 3e collège (collège cadre) au motif que les directeurs de magasin avaient été inscrits en qualité d’électeurs.

En se fondant sur la jurisprudence citée précédemment, certains Tribunaux judiciaires avaient accueilli cette demande.

Cependant, au cours d’un des contentieux, un autre syndicat sollicite la transmission, à la Cour de cassation, d’une QPC sur les conditions d’exclusion de l’électorat des salariés assimilés à l’employeur tel qu’interprété par la jurisprudence.

Cette question est la suivante :

« La disposition de l’article L. 2314-18 du code du travail telle qu’interprétée par la jurisprudence de la Cour de cassation [vue ci-dessus], en privant certains travailleurs de la qualité d’électeur aux élections professionnelles, et en n’encadrant pas mieux les conditions de cette exclusion et en ne les distinguant pas des conditions pour n’être pas éligibles, ne méconnaît-elle pas le principe de participation des travailleurs par l’intermédiaire de leurs délégués à la détermination des conditions de travail à la gestion des entreprises défini au point 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ? »

Cette question est transmise par la Cour de cassation le 15 septembre 2021 (n° de pourvoi : 21-40.013) au Conseil Constitutionnel.

https://www.conseil-constitutionnel.fr/les-decisions/decision-n-2021-947-qpc-du-19-novembre-2021-decision-de-renvoi-cass

…entrainant l’inconstitutionnalité de l’article L. 2314-18 du Code du travail.

Ce principe de participation des travailleurs que l’on retrouve au point 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 se définit comme suit :

« Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises »

Au regard de ce principe et de la jurisprudence en question, il ne fait aucun doute pour le Conseil constitutionnel,

« en privant des salariés de toute possibilité de participer en qualité d’électeur à l’élection du comité social et économique, au seul motif qu’ils disposent d’une telle délégation ou d’un tel pouvoir de représentation, ces dispositions portent une atteinte manifestement disproportionnée au principe de participation des travailleurs. »

Il en conclut donc que l’article L.2314-18 du Code du travail, tel qu’interprété par la jurisprudence, est contraire à la Constitution.

Décision n° 2021-947 QPC du 19 novembre 2021

https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2021/2021947QPC.htm

Quelles conséquences ?

Comme le souligne le Conseil constitutionnelle « l’abrogation immédiate des dispositions déclarées inconstitutionnelles aurait pour effet de supprimer toute condition pour être électeur aux élections professionnelles. Elle entraînerait ainsi des conséquences manifestement excessives. »

Ainsi, il décide de reporter au 31 octobre 2022 la date de cette abrogation. Le législateur a jusqu’à cette date pour réécrire l’article L. 2314-18 du code du travail et mettre fin à cette exclusion de l’électorat.

Comment les entreprises doivent-elles réagir face à l’inconstitutionnalité de cet article et de la jurisprudence qui en découle ?

Le Conseil constitutionnel rappelle expressément que « les mesures prises avant cette date [du 31 octobre 2022] en application des dispositions déclarées inconstitutionnelles ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité ».

Ainsi, à notre sens, les entreprises qui continueraient à organiser leurs listes électorales sur les mêmes bases que précédemment, c’est-à-dire en excluant les salariés qui disposent d’une délégation écrite, ou qui représentent effectivement l’employeur, ne devraient pas voir leur liste électorale remise en cause ou leurs élections annulées pour ce seul motif.