• Post category:Non classé

Une sanction disciplinaire à l’encontre d’un salarié qui refuse de rejoindre sa nouvelle affectation en raison de ses convictions religieuses n’est pas une mesure discriminatoire, si la mesure en question est justifiée par une exigence professionnelle essentielle et déterminante tenant à la nature des fonctions exercées. C’est ce qu’indique la Cour de cassation dans un arrêt en date du 19 janvier 2022 (n° 20-14.014).

Dans cette affaire, un salarié travaillant en qualité de chef d’équipe dans une entreprise de nettoyage avait été muté, à la suite du transfert de son contrat de travail, par son nouvel employeur, dans le respect de sa clause de mobilité, sur le site d’un cimetière.

Après avoir refusé, dans un premier temps, cette mutation du fait d’une incompatibilité d’horaires avec d’autres obligations professionnelles et après que l’employeur ait accepté de modifier les horaires en question, le salarié refuse de nouveau en invoquant cette fois-ci ses convictions religieuses hindouistes lui interdisant de travailler dans un cimetière.

Suite à ces refus, l’employeur lui notifie une mutation disciplinaire sur un autre site. Mais ne se présentant pas à son nouveau poste, il est licencié par sa direction.

Le salarié, s’estimant victime d’une discrimination directe en raison de ses convictions religieuses, décide de saisir le Conseil des prud’hommes et réclame la nullité de sa mutation disciplinaire ainsi que de son licenciement.

Dans un arrêt rendu le 17 octobre 2019, la cour d’appel de Paris donne raison au salarié.

Cette dernier considère la mutation disciplinaire comme discriminatoire étant donnée qu’ «en présence du refus d’un salarié de se rendre sur un site d’affectation en raison de ses convictions religieuses, […], il appartient à l’employeur de rechercher si, tout en tenant compte des contraintes inhérentes à l’entreprise et sans que celle-ci ait à subir une charge supplémentaire, il lui est possible de proposer au salarié un poste de travail compatible avec les exigences de chacune des parties ».

Pour la cour d’appel, il est attendu de l’employeur qu’il démontre une certaine adaptabilité pour intégrer, autant que possible, les croyances des salariés. En l’espèce , il n’a pas fait ce travail puisqu’un poste correspondant à la qualification professionnelle du salarié était disponible et qu’il a été muté à titre de sanction.

Mais la Cour de cassation n’est pas d’accord avec ce raisonnement.

Les juges de la Cour de cassation rappellent que si l’employeur doit respecter les convictions religieuses de ses salariés – les articles L. 1121-1 et L. 1132-1 du Code du travail prohibent les discriminations religieuses au sein de l’entreprise – il peut apporter des restrictions à cette liberté si elles sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et si elles sont proportionnées au but recherché (article L. 1133-1 du Code du travail).

La Cour de justice de l’Union européenne définit la notion d’« exigence professionnelle essentielle et déterminante », comme une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d’exercice de l’activité professionnelle en cause (CJUE 14-3-2017 aff. 188/15). Définition reprise en l’espèce par la Cour de cassation.

En s’appuyant sur ces éléments, elle constate que la mutation disciplinaire prononcée par l’employeur était bien justifiée au regard:

  • « de la nature et des conditions d’exercice de l’activité du salarié, chef d’équipe dans le secteur de la propreté, affecté sur un site pour exécuter ses tâches contractuelles en vertu d’une clause de mobilité légitimement mise en œuvre par l’employeur » ;
  • et « du caractère proportionné au but recherché de la mesure [la mutation], laquelle permettait le maintien de la relation de travail par l’affectation du salarié sur un autre site de nettoyage ».

Ainsi, la mutation disciplinaire en question ne constituait pas une discrimination directe injustifiée en raison des convictions religieuses. De ce fait, le licenciement du salarié ne pouvait être considéré comme nul.

 

On peut aussi penser que le comportement du salarié en question à jouer dans son appréciation. L’un des moyen soulevé par l’entreprise était la mauvaise foi du salarié qui dans un premier temps avait accepté, suite au changement d’horaires, sa mutation sur le site du cimetière, mais qui dans un second temps était revenu sur sa décision en invoquant ses convictions religieuses.

Dans une de ces délibération, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE – remplacé par le défenseur des droits en 2011) indiquait :

« Le comportement du salarié doit être analysé au regard de la sincérité des rapports contractuels, c’est-à-dire de l’obligation d’exécuter le contrat de bonne foi qui pèse sur les deux parties par application des dispositions des articles L 1222-1 du Code du travail et 1134 du Code civil. »(Délibération Halde 2009-117 du 6-4-2009).

Cass. soc. 19 janvier 2022, pourvoi n° 20-14.014